En période hivernale, ou d’infection, on est régulièrement invité à «stimuler» ou «booster» son immunité en mangeant différemment, et le plus souvent en prenant des compléments alimentaires. Thierry Souccar nous explique pourquoi ce peut être une mauvaise idée.
Tout d’abord, peut-on réellement soutenir l’activité immunitaire en avalant certains aliments et certaines substances naturelles ? Des études montrent que c’est possible. Ces études ne sont pas toutes irréprochables, mais il y a un corpus assez vaste, par exemple sur l’ail, sur la vitamine D, mais aussi la vitamine C pour ce qui est de la prolifération de certains globules blancs.
Mais attention : ces améliorations immunitaires dépendent souvent du statut de chacun : si vous manquez de vitamine D, si vous en avez moins de 20 ng/mL dans le plasma, alors il est probable qu’en corrigeant ces déficits vous améliorerez certains paramètres de l’immunité.
Mais si vous avez suffisamment de vitamine D, par exemple 30 ng/mL, rien ne dit que vous tirerez un bénéfice d’une supplémentation. Et il est possible même que ce soit contre-productif.
Maintenant, revenons sur le cas où, en prenant tel complément alimentaire, votre réponse immunitaire s’améliore. Supposons, pour prendre l’exemple de la vitamine C, qu’on observe une prolifération de vos globules blancs en laboratoire. Reste à savoir si ce qu’on voit dans un tube à essai a des conséquences sur le plan symptomatique ou clinique : aurez-vous moins d’infections ? Dureront-elles moins longtemps ? Seront-elles moins sévères ? Pour le savoir, il faut mener des études d’intervention, si possible contre placebo, qui sont beaucoup plus délicates à mettre en œuvre, ce qui explique qu’on ne dispose souvent pas de données fiables.
Dans le cas de la vitamine C, la plupart des études ont été conduites en prévention ou traitement du rhume, à la suite notamment de la parution en 1970 du livre du Prix Nobel Linus Pauling. Contrairement à ce que pensait Pauling, les preuves en faveur de la prévention sont assez minces, sauf en cas d’activité physique intense. En revanche, il avait vu assez juste pour ce qui est de l’utilisation de suppléments de vitamine C pour traiter un rhume (même si les bénéfices sont modestes). Contre la grippe et la Covid-19, c’est largement l’inconnu.
Mais qu’ils soient efficaces contre une infection respiratoire ou qu’ils le soient peu, les suppléments de vitamine C (plus de 1 000 mg/j) ne posent guère de risque sauf en cas de susceptibilité aux calculs rénaux à oxalate. Je veux dire qu’ils n’augmentent pas significativement les médiateurs de l’inflammation potentiellement dangereux comme l’interleukine-6 (l’IL-6) et le TNF-alpha. L’IL-6 est en cause dans les fameuses « tempêtes de cytokines » qui emportent bien des malades de la grippe et de la covid-19.
Mais tous les « suppléments de l’immunité » n’ont pas le même profil. La vitamine D a des propriétés anti-inflammatoires, mais des études ont trouvé qu’elle pouvait aussi pousser l’interleukine 1-bêta, une cytokine pro-inflammatoire majeure. On n’en sait pas beaucoup plus. Les effets de cette vitamine sur l’inflammation pourraient être liés à la dose, au statut, au sexe, au mode d’administration, à la durée de traitement. Pour ces raisons, même si la vitamine D est une réelle piste potentielle de traitement des infections respiratoires, mieux vaut éviter les doses massives, et préférer des supplémentations de courte durée.
L’échinacée est une plante très populaire en hiver, mais les preuves de son efficacité restent minces. Surtout, elle peut augmenter certaines cytokines pro-inflammatoires. Il faut donc l’utiliser avec prudence en cas d’infection par un virus de la grippe ou le coronavirus.
Ces quelques exemples vous montrent pourquoi « booster » l’immunité n’est pas toujours réaliste ni approprié. Il faut prendre des suppléments avec précaution, en particulier après 65 ans et lorsqu’existent des facteurs de risque.
Référence : Thierry Souccar et de son livre "arrêtons de saboter notre immunité".
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